Orchidées

Orchidées

Les botanistes ont identifié, décrit et classé les grands groupes végétaux, vivants ou disparus ; c’est-à-dire tout ce que la terre a produit comme plante depuis l’apparition de la première cellule photosynthétique, il y a plus de 2,4 milliards d’années. Chacun de ces groupes, phylums, possède son histoire propre, un mode de production spécifique et se retrouve aujourd’hui riche d’une certaine diversité. Certains groupes anciens, autrefois très diversifiés, ne sont présents aujourd’hui que sous forme de fossiles ou d’être vivants considérés comme des reliques, véritables fossiles vivants, n’exprimant qu’un pâle reflet de leurs richesses passées. Le groupe dominant aujourd’hui est celui des plantes à fleur, les angiospermes, ou anthophytes, dont les représentants, classés en famille, genres et espèces, se retrouvent sur la terre entière, depuis les forêts équatoriales jusqu’aux zones arctiques.

Ce sont les angiospermes qui dominent nos paysages. Elles sont représentées par plus de 220 000 espèces, aux formes et comportements biologiques d’une complexité inégalés au cours des temps géologiques. Parmi ces familles, les orchidées ont une place de choix. Elles représentent à elles seules presque 10 % de toutes les espèces végétales d’angiospermes connues à ce jour ! Après les Astéracées (marguerites, pissenlits…) rattachées au phylum des dicotylédones, c’est la deuxième famille la plus diversifié au monde. Plus de 20 000 espèces sont connues à ce jour et les très nombreux orchidophiles, courant les écosystèmes de la planète, en décrivent de nouvelles par dizaines chaque année.

Pour évoquer maintenant l’horticulture, c’est-à-dire l’action de l’homme dans cette oeuvre créatrice, les orchidées, encore plus que les roses ou les arbres fruitiers, sont les plantes ou la création variétale a été la plus intense, surtout depuis le xixe siècle. Le nombre de créations humaines se chiffre en dizaines de milliers. Le phénomène de l’orchidomania n’a pas tendance à se réduire avec le temps. Je dirais même qu’il s’amplifie avec la mondialisation des échanges et l’évolution des connaissances en génétique et en biologie. Les orchidées constituent donc une famille tout à fait à part dans le règne végétal, une sorte d’aboutissement… La biologie des orchidées est tout aussi incroyable. Elle représente un genre de summum de l’évolution, où chacune d’entre elles rivalise d’ingéniosité pour assurer sa croissance et sa reproduction, où l’évolution a créé l’émergence de formes, parfums, coopérations et comportements biologiques tout à fait uniques au sein des plantes à fleur. Les quelques exemples traités dans l’ouvrage illustrent une toute petite partie des stratégies de reproduction existant dans la famille et une toute partie de la diversité des formes et couleurs apparues au cours du temps. L’ingéniosité dont font preuve certaines espèces pour attirer leurs agents pollinisateurs et le niveau de complexité de certaines structures florales d’orchidées ne se retrouvent dans aucune autre famille du règne végétal. Pourtant, le diagramme floral qui unit ces plantes au sein de la famille, c’est-à-dire une fleur à ovaire infère, contenant un très grand nombre d’ovules minuscules, un périanthe composé de 6 pièces, à savoir 3 sépales et 3 pétales dont un transformé en labelle, et la présence des organes reproducteurs portés par un « gynostème », semble un diagramme floral très classique. Pourtant, depuis l’apparition des premières orchidées, au cours de l’ère tertiaire, les plantes de la famille ont produit une multitude de formes, de parfums et de couleurs, s’adaptant constamment à un ou plusieurs agents pollinisateurs. Ce type de symbiose, de rapprochement, d’entraide entre des représentants du règne végétal et animal fait l’objet de
toutes les attentions des biologistes.

Dans son environnement, la famille des orchidées a rapidement été identifiée par l’homme, dans des civilisations très diverses, ce qui démontre que de manière intuitive, l’homme a bien vite ressenti cette place spécifique des orchidées au sein de la nature. Elle fait, depuis, l’objet d’un grand attachement de la part des hommes. Elle est sans doute la famille du règne végétal
la plus étudiée. Avec les graminées, notamment les céréales et les herbes fourragères, elle est d’un immense intérêt économique à l’échelle planétaire. C’est un marché de plusieurs milliards d’euros par an.

Cet ouvrage se veut une contribution, un hommage à la nature, à la création végétale, à la biologie, thèmes parmi lesquels les orchidées ont une place à part. Elles constituent, à mes yeux, le meilleur exemple des beautés que peut produire la nature en seulement quelques millions d’années, et en même temps de la rapidité avec laquelle l’homme peut détruire tout ce patrimoine.

Frédéric Pautz
Directeur Jardin Botanique de Nancy