Un éclairage subtil sur le monde végétale

Un éclairage subtil sur le monde végétale

Entre témoignage scientifique et recherche artistique, les « icônes végétales » de Thomas Balaÿ offrent l’image d’une nature sublimée, propice à une revalorisation du monde des plantes.

Avec le choix d’une prise de vue rapprochée sur fond noir, les fleurs de Thomas Balaÿ suscitent un véritable enchantement pour l’œil. Extraites de leur milieu d’origine, privées de leur hampe florale, orchidées et succulentes sont réduites à la plus simple expression de leur anatomie pour exhiber une diversité de formes et de couleurs qui les amène parfois à la frontière de l’abstraction. La beauté évidente de ce graphisme végétal étant au service d’un hommage rendu à une biodiversité dont on sait quelle s’amenuise de jour en jour.

Né en France en 1977,Thomas Balaÿ tombe, à l’âge de 16 ans, sous le charme des plantes tropicales après avoir vu un documentaire sur la forêt amazonienne.
En 1996, le voici qui décide de partir à la découverte des îles Caraïbes à la faveur de ses études d’agronomie tropicale en Guadeloupe.
Puis, en 2001, le jeune homme s’installe aux États-Unis où il commence à photographier le sujet de sa passion. Là, il crée des expositions photographiques en collaborant avec plusieurs institutions botaniques et tout particulièrement avec le jardin Marie-Selby à Sarasota, en Floride, où il capture dans sa boîte noire des plantes rares et en voie de disparition. Mais ce n’est qu’en 2012 qu’il commence les deux séries qui le feront connaître, l’une consacrée aux orchidées et l’autre aux plantes dites « succulentes », qu’il photographie dans des collections publiques et privées pendant plusieurs années avant d’en faire l’objet de deux ouvrages publiés aux éditions Ulmer et d’où sont extraites la trentaine d’œuvres visibles au Jardin botanique de Bordeaux.

Intitulée Icônes végétales, l’exposition met ainsi l’accent sur une forme de sacralisation de la nature qui peut être perçue sous un jour baudelairien (« La Nature est un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles... ») ou écologiques, selon son acception la plus contemporaine. Car il va de soi que la sublimation des plantes, au-delà d’une quête esthétique, va de pair avec la reconsidération d’un vivant auquel nous prêtons encore trop peu d’attention : « Avec ces images, c’est la beauté fragile du monde végétal que je défends, précise Thomas Balaÿ.Un message naturaliste pour que nous prenions tous conscience de notre patrimoine naturel, de la richesse de la biodiversité végétale et que nous n’oubliions pas notre devoir, qui est de l’admirer et de la préserver. Symbole de la vie par l’oxygène qu’il dégage, le monde végétal subit aujourd’hui les affres de l’activité humaine. Partout, le patrimoine naturel est affecté Sur les 170.000 espèces de plantes répertoriées, plus d’une sur dix est en voie d’extinction... »

Revisitée avec le parti pris d’une stylisation sculpturale qui privilégie la sobriété et la netteté, la plante est donc déclinée à travers une proximité décontextualisée, à mi-chemin entre la démarche du documentaliste et celle dupoète. La série consacrée à l’orchidée est à cet égard révélatrice des menaces qui pèsent sur l’un des joyaux les plus emblématiques du monde végétal : « Vieilles de plus de 75 millions d’années, visibles sur presque tous les continents de notre planète, les orchidées représentent à elles seules plus de 10 % de toutes les espèces végétales aujourd’hui répertoriées précise Thomas Balaÿ.
Elles représentent une famille tout à fait à part, une sorte d’aboutissement, un genre de summum de l’évolution, où chacune d’entre elles rivalise d’ingéniosité pour assurer sa croissance et sa reproduction. »

Autre vaste groupe : celui des « succulentes », appelées ainsi en raison de leur capacité à stocker l’eau dans leurs feuilles charnues et de la transformer en un « suc » mucilagineux leur permet tant de subsister dans des conditions d’aridité extrêmes. Ces plantes, véritables survivantes capables de s’adapter à la sécheresse des déserts, constituent ici le pendant des fragiles orchidées pour offrir un panorama aussi didactique qu’hypnotique.

Frédéric LACOSTE.